Eric Neuberg, artiste peintre belge, en exposition à Bastogne

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(4-12 mai 2013)

Impressions de René Lejeune (Willoos)

J'aime qu'un tableau me fasse pâlir d'envie. Que sa vue me tourmente, m'accule à douter de mes propres choix.

Alors, quand j'ai besoin de ce salutaire questionnement, je regarde pour la millième fois le petit tableau qui pend dans ma cuisine. C'est un tableau d'Eric Neuberg.

Ce petit tableau, je le reçois comme un coup de poing. Qui me met k.-o. Et je me redis à chaque coup que celui qui l'a peint est un vrai peintre, un solide, un qui ne rit pas avec ce qui sort de ses mains.

Ce rouge, dans son tableau, ce blanc et ces ocres liés comme les 5 doigts, le lisse et le rugueux qui fraternisent, le brin de ficelle qui tire une diagonale et la jute qui se déguise en damier, tous ces ingrédients qui s'interpellent, s'étreignent et s'engueulent sur un décimètre carré, quel monde ! Quel ring de sensations ! Quelle beauté ! J'en reste baba.

Alors, Eric Neuberg, merci pour ta peinture : elle aide à vivre.

René Lejeune (Willoos)

Interview d'Eric Neuberg

Liège, le 17 juin 2005, peut-être aux alentours de minuit ou plus tard, temps inconnu.

Eric, à ton avis, la peinture, aujourd'hui, peut-elle encore être l'expression d'une révolution ?

Oui, parce que chaque geste est un acte de liberté envers la Société et envers moi-même. Il est vrai que peindre est un acte solitaire, qui peut se passer de la société, sauf quand on arrive au stade du partage avec les spectateurs. On ne peut peindre pour soi-même. Le plaisir est dans le partage, en dépit des doutes, des insultes, de la solitude inhérente au travail de création.

Est-ce que l'évolution sociale et artistique actuelle influence ta manière de peindre ?

Non, parce que je ne crois pas en l'évolution, que ce soit dans la Société ou en peinture. Je crois au changement. L'erreur depuis le dix-neuvième siècle a été de croire en une théorie de l'évolution et au progrès continu. Alors que tout n'est qu'accident, comme disait Nicolas de Staël. Une toile se construit de hasard en hasard. C'est une démarche qui s'est développée après la deuxième guerre mondial aux U.S.A., et en France avec des peintres comme Soulages.

En dehors de toute considération d'esthétique et d'histoire de l'art, qu'est-ce qui fait qu'on peut aimer aujourd'hui encore l'abstraction tardive de Twombly, Tapies ou encore les dessins de Beuys, que tu affectionnes particulièrement ?

Parce qu'ils pratiquent une forme de pauvreté, qui n'appartient pas aux modes. Chez eux, le rien peut devenir l'expression du tout. Un morceau de rouille ou un tapis abîmé au-dessus d'un interrupteur, l'émail écaillé d'une pissotière peuvent devenir un chef-d'œuvre sous l'effet de leur génie créateur.

De quelle manière ces artistes ont-ils influencé ton travail ? Qu'est-ce qui est important pour toi ?

D'abord on ne peut pas se passer de références, de repères tant dans le travail que dans la vie. Aujourd'hui, tant la Révolution que l'Innovation (avec des majuscules) ne sont plus guère possibles. Il y a autant d'innovations sur terre que d'êtres humains. Chaque homme est un artiste, disait encore Beuys. La difficulté c'est de retrousser ses manches et de s'y mettre. Ce qui est important c'est de peindre, c'est tout. Même ce qui est brut, incomplet insignifiant peut trouver sa place, s'il est en accord avec son contexte. Pour ma part, je cherche la force qui est dans l'absence ou dans la discrétion. C'est devenu trop difficile aujourd'hui de provoquer les gens avec la violence, le sexe, la brutalité de l'actualité ou de l'anecdote. Les gens doivent venir à la peinture et la peinture ne doit pas s'imposer à eux.

Dans ces conditions, quelle fonction assignes-tu à ta peinture ?

Je veux que les gens s'y sentent bien, sans devoir réfléchir à aucun message d'aucune sorte. Si je veux donner un contenu particulier à une œuvre, alors j'utiliserai les mots, la poésie, l'écriture. Dans mes toiles, je privilégie, sans calcul, l'émotion pure, qui peut être aussi violente comme la vie et le mort, l'éternité. S'il y a un rapport à la nature dans mon travail, il est de cet ordre : le toile n'est qu'un objet, mais un objet qui nous surpasse et restera bien après nous, comme la nature. Dans ces conditions, la peinture n'est plus un luxe mais une nécessité vitale.